Affaire du mois N°26 Mai 2019

Décision de justice
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La limite d’âge de soixante ans qui s’applique aux instituteurs est-elle compatible avec l’objectif de non-discrimination en fonction de l’âge prévu par la directive du 27 novembre 2000 ?

M. R, né le 21 mars 1956, a été recruté comme fonctionnaire, stagiaire puis titulaire, à compter du 20 octobre 1986 dans le corps des instituteurs. Il a toutefois été radié des cadres pour atteinte de la limite d'âge, avec effet au 22 mars 2016, par un arrêté du recteur de l’académie d’Amiens, en date du 1er septembre 2016. M. R. a alors formé un recours gracieux contre cette décision qui a été rejeté le 17 novembre 2016. Par la requête enregistrée sous le n°1700500, M. R demande l’annulation de ces décisions.

En premier lieu, le tribunal a estimé qu’en l’absence d’une demande de maintien en activité valablement formée par l’intéressé ou d’un autre droit à prolongation, le recteur de l’académie d’Amiens était tenu de prononcer d’office la mise à la retraite de M. R qui avait atteint la limite d’âge applicable au corps des instituteurs. Par suite, les moyens tirés de la motivation insuffisante de l’arrêté du 1er septembre 2016, de l’absence d’information sur ses droits quant à sa retraite et de l’erreur de fait quant à l’existence d’une demande de l’intéressé sont inopérants et doivent être écartés.

En second lieu, M. R soutenait que la mesure de mise à la retraite d’office dont il a fait l’objet, méconnaissait les objectifs de la directive n°2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

En effet, aux termes du code des pensions civiles et militaires, les instituteurs sont placés dans une catégorie active et la limite d’âge applicable aux instituteurs est de soixante ans. Alors que le corps des professeurs des écoles n’a pas été classé en catégorie active et relève de la limite d’âge de droit commun fixée à soixante-cinq ans.

Ainsi, s’appuyant sur une décision rendue par la Cour de la Cour de justice de l’Union (aff. C-229/08), le tribunal rappelle qu’une limite d’âge inférieure au droit commun constitue une différence de traitement selon l’âge affectant les conditions d’emploi et de travail au sens de la directive 2000/78 CE du Conseil du 27 novembre 2000. Toutefois, cette différence de traitement peut être justifiée si elle est nécessaire à la sécurité publique ou si, elle est objectivement et raisonnablement justifiée par des objectifs légitimes de politique sociale ou de l’emploi et constitue un moyen approprié et nécessaire pour atteindre ces objectifs.

Par suite, dès lors qu’aucune pièce du dossier ne permet de justifier une interdiction totale d’enseigner à compter de soixante ans pour des motifs tirés de considérations de sécurité publique ou d'objectifs de politique de l'emploi, M. R est fondé à soutenir que la limite d’âge de soixante ans qui s’applique aux instituteurs est incompatible avec l’objectif de non-discrimination en fonction de l’âge prévu par la directive du 27 novembre 2000. Il appartenait au recteur de l’académie d’Amiens d’écarter l’application des règles de droit national prévoyant une limite d’âge à 60 ans pour les instituteurs. En conséquence, M. R est fondé à demander l’annulation de l’arrêté du 1er septembre 2016 et, par voie de conséquence, de la décision 17 novembre 2016 en tant qu’elle rejette son recours gracieux.

Voir aussi :

> Lire l'affaire en pdf

> Lire le jugement

> Arrêt - CJUE, 19 sept. 2018, n° C‑41/17, Isabel González Castro c/ Mutua Umivale et a.

> Le dossier thématique réalisé par le conseil d’État : Le juge administratif et le droit de l’Union européenne

> CE, 3 février 1989 - Compagnie Alitalia obligation pour l'administration d'appliquer les directives communautaires.

> CE Assemblée, 30 octobre 2009, Mme Perreux ; n° 298348 Obligation pour l'administration d'abroger les règlements illégaux