Affaire du mois n°28 Juillet 2019

Décision de justice
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Par un arrêté du 21 janvier 1993, le préfet de la Somme a prescrit la fermeture, un jour par semaine, des boulangeries, boulangeries-pâtisseries et points de vente de pains du département de la Somme. Par la requête n° 1803102, enregistrée le 18 octobre 2018, la SARL Emule, qui exploite sur la commune d’Abbeville un terminal de cuisson de pain à l’enseigne « La mie câline » a demandé l’annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la Somme a rejeté sa demande présentée le 8 mars 2018 tendant à l’abrogation de cet arrêté.Avant d’examiner les moyens soulevés par la société requérante à l’appui de ses conclusions à fins d’annulation, le tribunal a écarté deux fins de non-recevoir soulevés par le préfet de la Somme, dont notamment celle relative à l’intérêt à agir de la requérante.   

En s’appuyant sur le deuxième aliéna de l’article L. 3132-29 du code du travail, ajouté par l’article 255 de la loi du 6 août 2015, le préfet de la Somme soutenait que la société Emule n’avait pas d’intérêt à agir contre la décision refusant d’abroger l’arrêté du 21 janvier 1993. En effet, aux termes de cet aliéna, le préfet est tenu d’abroger l'arrêté de fermeture hebdomadaire de certains établissements commerciaux à la demande des organisations syndicales représentatives des salariés et des employeurs exprimant la volonté de la majorité des professionnels concernés.  Ainsi, pour le préfet, seules les organisations syndicales peuvent demander l’abrogation d’un arrêté préfectoral de fermeture hebdomadaire illégal et la société Emule ne peut pas demander  au tribunal l’annulation du refus opposé par le préfet à sa demande d’abrogation dés lors qu’elle  n’est pas une organisation syndicale.    Toutefois, le tribunal a écarté cette fin de non-recevoir. En effet, il a estimé qu’en modifiant l’article L. 3132-29 du code de travail, le législateur n’a pas entendu déroger aux principe général du droit dégagé par la jurisprudence Alitalia et aux dispositions de l’article L. 243-2 du code des relations entre le public et l’administration. Aux termes de ce principe et de cet article, tout intéressé peut demander à l’administration d’abroger un règlement illégal et contester l’éventuel refus de faire droit à cette demande devant le juge de l’excès de pouvoir. Aussi, dès lors que la société Emule est soumise aux dispositions de l’arrêté de fermeture hebdomadaire du 21 janvier 1993, elle a intérêt à contester le refus d’abrogation de cet arrêté.    Ayant écarté les fins de non-recevoir opposées par le préfet de la Somme, le tribunal a ensuite examiné les moyens d’annulation soulevés par la société Emule.    La société Emule soutenait notamment que le préfet avait méconnu les dispositions de l’article L. 221-17 du code du travail, reprises depuis à l’article L. 3132-29 précité du même code, dès lors qu’il n’existait pas d’accord syndical.     

Aux termes de cet article, la fermeture au public des établissements d'une profession ne peut légalement être ordonnée sur la base d'un accord syndical que dans la mesure où cet accord correspond pour la profession à la volonté de la majorité indiscutable de tous ceux qui exercent cette profession à titre principal ou accessoire et dont l'établissement ou partie de celui-ci est susceptible d'être fermé. Ces mêmes dispositions impliquent que cet accord résulte d’échanges et de discussions menées simultanément et collectivement entre ces différents organismes et non de simples avis recueillis séparément auprès de chacun d’entre eux.    

Or si avant d’édicter l’arrêté du 21 janvier 1993, le préfet a recueilli séparément les avis des membres de la commission tripartite de la boulangerie, aucun accord syndical n’a été formalisé. Par suite, le tribunal a annulé la décision par laquelle le préfet de la Somme a refusé de procéder à l’abrogation de son arrêté du 21 janvier 1993 prescrivant la fermeture, un jour par semaine, des boulangeries, boulangeries-pâtisseries et points de vente de pains du département de la Somme et lui a fait injonction dans un délai de trois mois d’abroger cet arrêté.

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> Lire le jugement

> Lire les conclusions

 

Voir également :

> https://www.conseil-etat.fr/ressources/decisions-contentieuses/les-grandes-decisions-du-conseil-d-etat/conseil-d-etat-3-fevrier-1989-compagnie-alitalia

> Lire les conclusions de M. Jean Lessi sur les affaire 396286,396287 et 396288.

> TA Amiens, 27 décembre 2018, n°1602430 STEPPI