Affaire du mois n°31 Décembre 2019

Décision de justice
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L’existence d’une police spéciale des produits phytopharmaceutiques exclut-elle l’intervention du maire pour  prendre des mesures de police générale ayant un objet identique à celui de la police spéciale ?

Par une ordonnance du 21 novembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens a, à la demande du préfet de l’Oise sur le fondement de l’article L. 554-1 du code de justice administrative, suspendu l’arrêté par lequel le maire de Chambly a réglementé les modalités d’utilisation des produits phytopharmaceutiques autour du collège de Chambly et de ses annexes.

Pour prendre la mesure attaquée, le maire de Chambly s’est fondé sur :
-  l’article 5 de la Charte de l’environnement figurant dans le préambule de la Constitution, consacrant le principe de précaution ;- les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, habilitant le maire à prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques ;
- l’article L. 1311-2 du code de la santé publique permettant au maire de compléter les décrets pris en application de l’article L. 1311-1 du même code aux fins de préserver la santé humaine et de lutter contre les nuisances sonores et la pollution atmosphérique ;

En premier lieu, par les dispositions des articles L. 253-7, L. 253-7-1, R. 253-45 et D. 253-45-1 du code rural et de la pêche maritime, le législateur et le pouvoir règlementaire ont organisé, de manière complète, une police spéciale des produits phytopharmaceutiques confiée à l’État et exercée par les ministres chargés de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de la consommation et le préfet du département. Par suite, le juge des référés a estimé que le maire de Chambly ne saurait, sans porter atteinte aux pouvoirs de police spéciale conférés aux autorités de l’État, adopter sur le territoire de sa commune une règlementation relative à l’usage du glyphosate aux abords d’un établissement scolaire sur le fondement des articles  L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et L. 1311-2 du code de la santé publique.

En deuxième lieu, lorsqu'un dommage est susceptible d’affecter l’environnement, l’article 5 de la Charte de l’environnement inscrite au préambule de la Constitution, fait obligation aux autorités publiques de mettre en œuvre des procédures d’évaluation des risques et d’adopter des mesures provisoires pour éviter la réalisation de ce dommage. Cet article n’a ni pour objet, ni pour effet de permettre à une autorité publique d’excéder son champ de compétence et d’intervenir en dehors de ses domaines d’attribution. Par suite, le maire de Chambly ne pouvait pas fonder son arrêté sur cet article.

En troisième lieu, le maire de Chambly, en invoquant dans son arrêté une situation d’urgence sanitaire et la carence de l’État à édicter des règles propres à y remédier, peut être regardé comme s’étant fondé implicitement sur les dispositions de l’article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales. Cet article permet au maire d’une commune de prescrire l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances en cas de danger grave ou imminent. Toutefois, l’existence d’un danger de cette nature n’est établie par aucune pièce du dossier. En outre, il résulte de l’instruction que le préfet de l’Oise a édicté par un arrêté du 28 décembre 2016 des mesures de protection à l’égard des personnes vulnérables et en particulier des élèves des établissements scolaires, en règlementant l’usage des produits phytopharmaceutiques par la prescription d’aménagements appropriés aux abords des parcelles traitées jouxtant ces établissements et par des interdictions d’usage de ces produits en deçà de certaines distances et pendant certaines plages horaires.

Le juge des référés a donc estimé que le moyen tiré de l’incompétence du maire de Chambly à prendre l’arrêté attaqué est, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté et a ordonné la suspension de l’exécution de cet arrêté, jusqu’au jugement de la requête au fond. Ordonnance du 21 novembre 2019, Préfet de l'Oise c/Commune de Chambly

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> Lire l'ordonnance du juge des référés.

> Dossier thématique du Conseil d’État : Le juge administratif et le droit de l’environnement

> Introduction du colloque intitulé "L’ordre public - Regards croisés du Conseil d’État et de la Cour de cassation" par Jean-Marc Sauvé, le vendredi 24 février 2017

> CE, Assemblée, 26 octobre 2011, Commune de Saint-Denis (n°326492), Commune de Pennes-Mirabeau (n°329904) et SFR (n°s 341767 – 341768).