Le juge des référés rejette la demande de suspension de la limitation du volume des prélèvements d’eau pour l’irrigation agricole

Décision de justice
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Le juge des référés du tribunal administratif rejette la demande des irrigants du bassin de l’Aronde tendant à la suspension en urgence de la limitation du volume des prélèvements d’eau pour l’irrigation agricole décidée par la préfète de l’Oise

Dans la zone de répartition des eaux du bassin de l’Aronde (Oise), la ressource en eau est en situation de tension quantitative chronique et l’activité agricole spécialisée dans la production légumière. Le schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) a défini un volume maximum prélevable objectif d’eau et sa répartition entre les usages de distribution d’eau potable (58,8%), agricole (39,7 %) et industriel (1,5 %). En 2021, conformément au code de l’environnement, une autorisation pluriannuelle de prélèvements d’eau destinés à l’irrigation agricole, d’un volume de 2 263 235 m3 par an, a été délivrée, pour une durée de cinq ans, à l’organisme unique de gestion collective du bassin de l’Aronde. La répartition annuelle de ce volume entre les différents irrigants est assurée par un plan annuel de répartition proposé par l’organisme unique de gestion collective et homologué par l’autorité préfectorale. Au titre de l’année 2023, la préfète de l’Oise a homologué ce plan de répartition par un arrêté du 6 juin 2023.

Dans un contexte de sécheresse majeure touchant le département et de niveau très bas de la nappe phréatique, la préfète de l’Oise a, dès le mois de février 2023, classé le secteur du bassin de l’Aronde au niveau d’ « alerte renforcée ». Des arrêtés du 2 juin, du 20 juin et du 17 juillet 2023 ont ensuite placé le bassin de l’Aronde au niveau de « crise », soit le plus élevé des quatre niveaux existants, ce qui implique l’application, pour l’ensemble des acteurs économiques et de la population, des mesures de restrictions d’usage de l’eau les plus sévères. Par ces arrêtés, la préfète a également décidé que, sur le secteur de la zone de répartition de l’Aronde, en complément des mesures de restriction applicables à tous, le volume alloué à chaque irrigant dans le cadre du plan annuel de répartition 2023 serait diminué de 10 % dès le franchissement du seuil de crise.

L’association des irrigants du bassin de l’Aronde et 24 exploitants agricoles ont demandé au juge des référés du tribunal administratif d’Amiens de suspendre l’exécution de l’article 6 de l’arrêté du 17 juillet 2023, imposant cette diminution de 10 % du volume d’eau alloué à chaque irrigant dans le cadre du plan 2023.

Le juge des référés a rejeté la requête en référé-suspension pour défaut d’urgence au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

Il appartient en effet au juge du référé-suspension de suspendre les effets d’une décision si l’urgence est justifiée et s’il existe un douté sérieux sur la légalité de cette décision.

Pour justifier de l’urgence, les requérants ont mis en avant les pertes importantes de chiffre d’affaires attendues du fait de la baisse de rendement de leurs exploitations, consécutive aux mesures, non anticipables, devant être prises pour respecter la diminution du volume d’eau alloué pour la campagne d’irrigation de 2023, qui doit se terminer en octobre. Le juge des référés a considéré que les éléments produits pour justifier de la gravité de l’impact économique de cette mesure n’étaient pas suffisants. Alors que la baisse du volume alloué est limitée à 10 %, que l’irrigation des cultures légumières et maraichères reste, malgré le passage au seuil de crise, possible à certaines conditions, et que la mesure en cause a été annoncée dès le 9 mai 2023 et mise en œuvre dès le 2 juin 2023, le juge des référés a estimé que l’atteinte grave et immédiate aux intérêts des requérants n’était pas établie.

Le tribunal a en outre mis en balance l’intérêt public qui s’attache au maintien de la mesure litigieuse, compte tenu du contexte de sécheresse majeure constatée dans l’Oise, des niveaux particulièrement bas de la nappe dans le bassin de l’Aronde et des situations inhabituelles d’assec et de mortalité piscicole, et alors que le bassin de l’Aronde est déjà fragilisé par les effets de la sécheresse de 2022 et des surconsommations du volume annuel alloué de la part de certains irrigants au cours de la campagne 2022.

En considération de l’ensemble de ces éléments, le juge des référés a estimé que la demande de suspension ne présentait pas un caractère d’urgence suffisant.

Ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d’Amiens, n°2302787, 8 septembre 2023