-
Prise pour mettre fin au régime dérogatoire de l’Etat d’urgence, la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme intègre dans le droit commun des dispositions jusque-là réservées à l’état d’urgence, notamment les mesures de surveillance à l’encontre des personnes.Ainsi, le ministre de l’intérieur peut décider des mesures de surveillance à l’encontre de toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics et qui entre en relation habituelle avec des personnes ou organisations aux visées terroristes ou qui soutient ou adhère à des thèses incitant au terrorisme, après en avoir informé le procureur de la République territorialement compétent. Ces différentes mesures sont décrites aux articles L. 228-2 et suivants du code de la sécurité intérieure.Les personnes soumises à ces mesures peuvent demander au tribunal administratif l’annulation de ces décisions. Dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, la loi prévoyait un délai d’un mois pour saisir le tribunal qui devait statuer dans un délai de deux mois. Ces délais ont été censurés par une décision du Conseil constitutionnel, du 16 février 2018 (n°2017-691 QPC, M. Farouk B.), qui considère que le délai d’un mois ouvert pour saisir le juge administratif d’un recours en annulation est insuffisant compte tenu de l’atteinte qu’une telle mesure porte aux droits de l’intéressé et que le juge administratif doit être tenu de statuer sur cette demande « dans de brefs délais ».
Par un arrêté du 6 octobre 2017, le ministre de l’intérieur a prononcé à l’encontre de M. K une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance sur le fondement des dispositions des articles L. 228-1 à L. 228-7 du code de la sécurité intérieure en lui faisant d’une part, interdiction de se déplacer en-dehors du territoire du département de la Somme pour une durée de 3 mois et de se trouver en relation avec M. G., mineur, pour une durée de 6 mois et d’autre part, obligation de se présenter une fois par jour à 7 heures au commissariat de police d’Abbeville pour une durée de 3 mois. Par une requête enregistrée le 21 novembre 2017, M.K demande l’annulation de cette décision. Dans cette affaire, le tribunal a fait usage des dispositions dérogatoires du droit commun de l’article L.773-9 du CJA pour s’assurer que le signataire de la décision en litige avait bien compétence pour le faire sans avoir soumis au débat contradictoire ni l’orignal signé de la décision ni l’arrêté de nomination du signataire de cette décision.
Le requérant soutenait que la mesure prise n’avait pas été précédée d’une procédure contradictoire préalable, contraire au principe général de respect des droits de la défense. Toutefois, le tribunal a écarté ce moyen dès lors que le législateur a instauré une procédure contradictoire particulière, à l’article L. 228-6 du code de la sécurité intérieure qui dispose que le ministre de l’intérieur « met la personne concernée en mesure de lui présenter ses observations dans un délai maximal de huit jours à compter de la notification de la décision ». En l’espèce, le ministre de l’intérieur lui a rappelé cette faculté à l’article 9 de la décision attaquée. Pour apprécier la légalité interne de la décision, le tribunal a exercé un contrôle normal comme il le faisait pour les décisions prises dans de cadre de l’état d’urgence (CE 11 décembre 2015, M. Cédric Domenjoud, n°395009, en A). Mais, dans ce nouveau régime, le juge ne se borne pas à vérifier qu’il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de l’intéressé constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics. Il vérifie également que l’intéressé soit entré en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s’accompagne d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes.
S’appuyant notamment sur le contenu de la note blanche produite par le ministre (CE du 3 mars 2003, Rakhimov n°238662, en A), le tribunal a considéré que les faits reprochés permettaient d’établir que ces deux conditions étaient réunies. Le tribunal a donc rejeté la requête de M. K
> Lire l'affaire du mois en PDF
> Lire la décision du Conseil Constitutionnel et le communiqué de presse