La commune de Courmelles a délivré, le 20 avril 2023, le permis de construire demandé par la société Rockwool France pour la construction d’une usine de production de laine de roche mais ne l’a pas autorisée à démarrer immédiatement les travaux. Saisi par le préfet de l’Aisne, le juge des référés a estimé qu’il existait un doute sérieux sur la légalité de ce refus et en a suspendu l’exécution. Les travaux peuvent désormais commencer
Par un arrêté du 20 avril 2023, la commune de Courmelles a délivré, à titre provisoire, jusqu’à ce que la cour administrative d’appel de Douai ait statué sur le précédent refus de permis de construire - qui avait été annulé par le tribunal administratif d’Amiens - le permis de construire intégrant les modifications auxquelles la société Rockwool France avait procédé afin de remédier aux deux irrégularités relevées par le tribunal. Toutefois, cet arrêté prévoit que la réalisation des travaux doit être différée jusqu’à l'obtention de la dérogation " espèces protégées " prévue par l'article L. 411-2 du code de l'environnement. C’est la raison qui a conduit la société Rockwool France puis le préfet de l’Aisne à saisir le tribunal administratif.
La procédure devant le tribunal
Fin mai dernier, la société Rockwool France, qui disposait d’une autorisation environnementale qu’elle estimait suffisante, a demandé au juge des référés de suspendre la condition fixée par l’arrêté du 20 avril 2023 afin de pouvoir commencer immédiatement les travaux. Le juge des référés du tribunal administratif a estimé, le 28 juin 2023, que la mesure de suspension demandée ne présentait pas un caractère d’urgence suffisant au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative et a rejeté la requête de la société Rockwool.
Parallèlement, courant octobre, le préfet de l’Aisne a contesté cette condition, dans le cadre d’un déféré préfectoral, et a demandé au juge des référés la suspension l’article L. 554-1 du code de justice administrative et le 3ème alinéa de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales prévoient que la suspension doit être accordée s’il existe, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, même en l’absence d’urgence.
La commune pouvait-elle refuser la réalisation immédiate des travaux de construction de l’usine ?
Le juge des référés était conduit à apprécier si, comme l’a estimé la commune de Courmelles, l’obtention de la dérogation en cause était bien nécessaire avant de commencer les travaux de construction de l’usine.
Le juge des référés a relevé qu’aucun risque caractérisé sur les espèces de chiroptères et sur l’avifaune n’avait été relevé par l’étude d’impact et l’étude naturaliste ayant conduit le préfet de l’Aisne à délivrer l’autorisation environnementale le 31 mars 2021. En effet, des mesures d’évitement et de réduction étaient prévues dans cette autorisation, notamment en adaptant les périodes et les modalités de réalisation des travaux aux enjeux écologiques.
La commune de Courmelles conteste le bien-fondé de ces appréciations et soutient que toutes les espèces protégées présentes sur le site n’ont pas été prises en considération. Toutefois, l’autorisation environnementale délivrée à la société Rockwool France, qui présente à la date de l’arrêté contesté, et encore à ce jour, un caractère exécutoire, ne fait pas état de la nécessité d’obtenir la dérogation « espèces protégées ». Par ailleurs, si le tribunal a considéré par un jugement avant dire droit du 21 juillet 2023 que cette autorisation était entachée d’un vice de procédure susceptible d’être régularisé, il a estimé que la nécessité d’une telle dérogation n’avait pas été démontrée, en l’absence de risque caractérisé.
Ainsi, compte tenu des éléments produits et des débats à l’audience, le magistrat statuant en référé a jugé qu’il existait un doute sérieux sur la nécessité d’obtenir une autorisation environnementale complétée sur ce point, et donc sur la légalité du refus de démarrage des travaux opposé à la société Rockwool France. Par conséquent, il a suspendu l’exécution de cette condition jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité. Pendant ce temps, les travaux peuvent donc commencer.
Une formation collégiale du tribunal statuera au fond sur l'arrêté du 20 avril 2023 dans les prochains mois.
Ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d’Amiens n°2303402 10 novembre 2023
La réalisation de certains projets ou constructions peut nécessiter l’obtention d’une dérogation « espèces protégées » Le responsable du projet doit examiner si l’obtention d’une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l’espèce concernée sont présents dans la zone du projet. Il n’est tenu compte, à ce stade de l’examen, ni du nombre de ces spécimens, ni de l’état de conservation des espèces protégées présentes. Le responsable du projet devra obtenir une dérogation « espèces protégées » si l’atteinte aux espèces protégées est « suffisamment caractérisée ». Pour démontrer que cette atteinte n’est pas « suffisamment caractérisée » et qu’il n’a donc pas besoin d’une dérogation, il peut tenir compte des mesures permettant d’éviter le risque, mais aussi des mesures permettant de le réduire. Lorsque la réalisation d’un projet porte une atteinte suffisamment caractérisée à des espèces protégées ou à leur habitat, en dépit des mesures prises pour l’éviter ou la réduire, une dérogation spéciale doit être obtenue par le responsable du projet. Cette dérogation peut être accordée lorsque sont remplies trois conditions : l’absence de solution alternative satisfaisante, le fait de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur. |