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L’association des musulmans de Picardie a déposé le 1er juillet 2014 une demande de permis de construire tendant à l’édification d’une mosquée rue Franklin Roosevelt à Amiens, au sein de la ZAC dénommée « Grand projet de ville –Quartiers Nord ». Le projet, créant une surface de plancher globale de 1480 m2, consiste en la réalisation d’un centre à la fois cultuel, mais également culturel : la partie cultuelle, présentant une surface de plancher approximative de 630 m2, est située au nord du bâtiment et est destinée à abriter la mosquée en elle-même (dont les salles de prière ou encore les espaces réservés au déchaussement ou aux ablutions) ; la partie culturelle est quant à elle située au sud du bâtiment et abrite des salles de réunion, des bureaux, des salles de cours et une salle polyvalente. Les deux parties du bâtiment sont réunies par un hall central desservant les deux espaces, cultuel et culturel. Le permis de construire délivré par le maire d’Amiens le 29 décembre 2014 a été contesté par des proches voisins de la future construction, ainsi qu’une association dénommée « association à contre-courant ».
Le tribunal a tout d’abord constaté que si l’association dénommée « association à contre-courant » ne présentait pas, compte tenu de ses statuts, un intérêt à agir à l’encontre du permis de construire, ainsi qu’il l’avait d’ailleurs déjà jugé dans une précédente affaire, les personnes physiques l’ayant saisi étaient toutes de proches voisins de la construction, habitant en l’espèce à moins d’une centaine de mètres de son futur lieu d’implantation. Le tribunal a donc estimé que ces personnes présentaient bien un intérêt à agir contre ce permis de construire.Pour mémoire, le tribunal, faisant application des mêmes principes, avait en revanche rejeté la requête dirigée contre le permis de construire portant sur une autre mosquée à Amiens, boulevard de Roubaix, en estimant que les personnes physiques qui l’avaient alors saisi, qui habitaient à plus d’un kilomètre du projet, n’étaient pas recevables à demander son annulation compte tenu de leur éloignement.
S’agissant du permis de construire de la mosquée et du centre culturel de la rue Franklin Roosevelt, le tribunal a estimé que plusieurs motifs l’entachaient d’illégalité :
En premier lieu, la commune d’Amiens n’ayant pas transmis la délégation de signature de l’adjoint au maire signataire du permis de construire avant la clôture de l’instruction, il a retenu que le permis de construire était entaché d’incompétence.
En deuxième lieu, le tribunal a considéré que le dossier de demande de permis de construire était irrégulier car aucun plan ne présentait le raccordement aux réseaux (article R. 431-9 du code de l’urbanisme), de même que l’étude de sécurité présentait de manière erronée les possibilités de stationnement aux alentours du projet (article R. 111-48 et suivants du code de l’urbanisme) ;
En troisième lieu, le tribunal a estimé que le projet de construction portant sur un édifice cultuel et culturel pouvant accueillir plus de 1000 personnes il entrait dans le champ du 38° du I de l’article R. 122-2 du code de l’environnement, ce qui rendait obligatoire de saisir l’autorité environnementale de l’État afin que cette dernière détermine si une étude d’impact était ou non nécessaire. Or, aucune pièce ne démontrait l’existence d’une telle saisine.
En quatrième lieu, le tribunal a estimé que le projet de bâtiment présentant à la fois une partie à usage cultuel, mais également une partie à usage culturel, il ne pouvait entièrement bénéficier, notamment pour sa partie culturelle, des exonérations de réaliser des places de stationnements prévues par le plan local d’urbanisme de la commune pour les locaux exclusivement réservés à la pratique du culte.
En conséquence les sept places de stationnements dont la réalisation était prévue au projet étaient insuffisantes au regard de l’exigence du plan local d’urbanisme imposant de réaliser une place de stationnement par tranche de 45 m2 de surface de plancher. Enfin, le tribunal a estimé qu’il n’était pas démontré que certains de ces vices, notamment celui relatif à l’insuffisance des places de stationnement, pouvaient être régularisés par la délivrance d’un permis de construire modificatif. En conséquence il a considéré qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme et a prononcé l’annulation du permis de construire par le jugement n°1502000 rendu le 30 juin 2017 et notifié ce jour.