Le tribunal annule les décisions du préfet et condamne l’État à rembourser l'amende qui seule avait été recouvrée, avec intérêts de droit.
En février 2011 la SCEA « Côte de la Justice » a demandé au préfet de la Somme l'autorisation d'exploiter un élevage de 1000 vaches laitières associé à un méthaniseur et à une unité de cogénération. Par arrêté du 1er février 2013 cette autorisation a été accordée pour 500 vaches laitières. Le 16 mars 2015, l'exploitant a porté à la connaissance de l'administration son projet de regrouper sur son site d’autres élevages jusqu' à un total de 880 têtes. A la suite d'un contrôle qui a mis en évidence la présence dans l'élevage de près de 800 vaches laitières, le préfet de la Somme a mis en demeure l'exploitant, le 1er juillet 2015, de ramener ces effectifs à 500. Cette mise en demeure n'ayant pas été suivie d'effet, il a infligé à la SCEA une amende de 7 800 euros, prononcé une astreinte journalière de 780 euros et a entrepris le recouvrement de ces sommes. La SCEA « Côte de la Justice » a contesté ces mesures. Après la suspension, confirmée par le Conseil d’État, par le juge des référés de la mise en demeure, en l’absence de situation d’infraction, le tribunal a examiné le litige au fond le 20 juin 2017.L’article R. 515-53 du code de l’environnement alors applicable prescrit à l’exploitant d’une installation d’élevage classée pour la protection de l’environnement soumise au régime de l’autorisation et qui envisage un regroupement d’élevage au sein de celle-ci de porter cette modification à la connaissance du préfet.
Le tribunal a, tout d’abord, jugé que cette formalité constituait une demande au sens de l’article 18 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 dès lors qu’elle tend à obtenir une décision de l’administration autorisant ou non ce regroupement.Il a ensuite constaté que, dans les deux mois suivant l’accomplissement de cette déclaration de regroupement, l’autorité administrative n’a adressé aucune demande à la SCEA « Côte de la Justice » en vue de compléter son dossier, dont elle reconnaissait ainsi le caractère complet. Elle n’a, dans ce même délai, ni invité l’exploitant à présenter une nouvelle demande d’autorisation ni édicté un arrêté complémentaire ainsi qu’elle pouvait le faire sur le fondement de l’article R. 515-54 du code de l’environnement.
Puis, le tribunal a relevé, d’une part, que si la formalité prévue par l’article R. 515-53 du code de l’environnement ne figure pas dans la liste des procédures pour lesquelles le silence vaut acceptation publiée sur le site internet « Legifrance », cette liste est toutefois dépourvue de valeur juridique et, d’autre part, que cette formalité ne relève pas davantage du champ d’application des dérogations à la règle selon laquelle le silence vaut acceptation figurant au troisième alinéa du I de l’article 21 de la loi du 12 avril 2000.
Il a également constaté que le regroupement de troupeaux n’est pas non plus au nombre des exceptions prévues par les décrets n°2014-1271, n°2014-1272 et n°2014-1273 qui écartent l’existence d’une décision tacite d’autorisation, pour les questions relevant de la compétence du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Le tribunal en a déduit que la procédure de regroupement d'installations d'élevage n’impliquant pas nécessairement, ainsi qu’il résulte des dispositions combinées des articles R. 515-53 et R. 512-31 du code de l’environnement, l’intervention d’une décision expresse de l’administration, la SCEA « Côte de la Justice » a bénéficié le 16 mai 2015, d’une décision implicite d’acceptation de sa demande de regroupement.Au 1er juillet 2015, l'exploitant était, par conséquent, titulaire d’une autorisation de porter son effectif de vaches laitières à 880 unités et c’est donc à tort que le préfet de la Somme l’a mis en demeure de le réduire à 500 et l'a sanctionné par la suite. Comme le proposait le rapporteur public, le tribunal a, dès lors, annulé ces décisions et condamné l’État à rembourser l'amende qui seule avait été recouvrée, avec intérêts de droit.