Le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens a estimé que l’arrêté du préfet de la Somme autorisant l’utilisation de drones à des fins de surveillance, au regard d’un périmètre d’utilisation défini de manière trop générale, portait une atteinte grave, immédiate et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée
Par un arrêté du 24 janvier 2024, le préfet de la Somme a autorisé les forces de sécurité intérieure du département à mettre en œuvre des moyens de captation, d’enregistrement et de transmission d’images par des aéronefs, du 24 au 29 janvier 2024, en vue d’assurer la sécurité lors des manifestations des agriculteurs sur la voie publique.
Estimant que l’arrêté préfectoral portait atteinte à la protection de la vie privée, qui constitue une liberté fondamentale, l’association de défense des libertés constitutionnelles (ADELICO) et la ligue des droits de l’Homme (LDH) ont saisi le tribunal administratif le 27 janvier 2024 d’un référé-liberté, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
Selon les associations requérantes, l’atteinte au droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles était grave et manifestement illégale dès lors que la décision du préfet de la Somme ne définissait pas un périmètre de surveillance de manière suffisamment précise et circonstanciée. En outre, l’autorisation de recours aux drones portait sur un nombre excessif de caméras (70) et sur un périmètre excessivement large.
A l’issue de l’audience publique, le juge des référés a rendu son ordonnance le 28 janvier 2024 et a fait droit à la demande des associations.
Le juge des référés a rappelé que le préfet de la Somme avait pris sa décision sur le fondement de l’article L. 242-5 du code de la sécurité intérieure, issu de la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure du 24 janvier 2022, qui autorise l’administration à prendre de telles mesures. Ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel par sa décision n° 2021-834 DC du 20 janvier 2022, ces dispositions ont précisément circonscrit les finalités justifiant l’utilisation des drones.
Pour rappel, l’autorisation préfectorale doit contenir :
1. la finalité poursuivie ;
2. le périmètre strictement nécessaire pour l’atteindre ;
3. le nombre maximal de caméras pouvant être utilisées simultanément.
Le juge des référés a précisé que, si le préfet peut autoriser le recours aux drones afin de permettre aux forces de l’ordre de son ressort de disposer d’une vision élargie facilitant le maintien et le rétablissement de l’ordre public en limitant l’engagement des forces au sol, la loi ne permet pas de définir, de manière préventive, un périmètre dont les contours seront précisés postérieurement à l’édiction de l’arrêté attaqué, lors de la réalisation des troubles à l’ordre public.
Il a ensuite jugé que l’arrêté contesté du préfet de la Somme ne définissait pas de manière précise le périmètre de surveillance par les drones. Il se limitait à retenir un périmètre défini de manière générale par l’ensemble des manifestations des agriculteurs se déroulant dans le département de la Somme au cours de la période comprise entre les 24 et 29 janvier 2024 sans que la localisation précise ne soit préalablement circonscrite.
Compte tenu de ces éléments, le juge des référés a, par conséquent, suspendu l’arrêté préfectoral avec effet immédiat.
Ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d’Amiens n°2400316, 28 janvier 2024
Référé-liberté : le tribunal administratif statue dans un délai de 48 heures Article L. 521-2 du code de justice administrative Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. |